« Avec 1542 demandes de brevets, Stellantis est le premier déposant en 2023 ». La presse économique est friande de ce type de chiffrage.
Que peut-on en déduire ? L’avantage de ces données brutes, c’est leur simplicité de lecture ; le dépôt de demandes de brevet étant souvent considéré comme un indicateur de la capacité d’innovation d’une entreprise, on peut en conclure qu’« en 2023, Stellantis est plus innovant que Safran qui l’est plus que Valeo… ».
Est-ce aussi simple ? Probablement pas, car attribuer le même poids à tous les brevets, c’est oublier que tous ne se valent pas. Comment donc introduire du qualitatif dans ce type de comptage, afin d’arriver à une vision plus juste ?
La valeur d’un brevet peut se décomposer en valeur juridique, technique et commerciale. Par valeur juridique, on fait par exemple référence à la solidité du brevet dans une action en annulation devant un tribunal ou dans une procédure d’opposition. La valeur technique fait référence à l’intérêt de la technique, à son potentiel de mise en œuvre dans un cadre industriel. Quant à la valeur marché, elle est liée au marché potentiel du produit breveté, sa diffusion géographique et sectorielle, laquelle valeur est bien entendu liée à la couverture géographique de la famille de brevet.
Lorsque l’on traite un grand nombre de brevets dans le cadre de classements de type géographique ou sectoriel (classement des déposants français ou des déposants de brevet dans le domaine de l’IA par exemple), il est difficilement envisageable de pondérer chaque brevet par un coefficient qui représenterait une combinaison des valeurs juridique, technique et marché dudit brevet.
Quelles méthodes ont-elles été adoptées pour sortir tout de même du « basiquement quantitatif » ?
« Les brevets sont un moyen de protéger les inventions développées par des entreprises, des institutions ou des particuliers et, en tant que tels, ils peuvent être interprétés comme des indicateurs d’inventions »
Manuel de statistique brevet, OCDE 2009
La citation de l’OCDE a le mérite de rappeler un élément cardinal : les brevets sont des indicateurs d’inventions, et non pas d’innovations, ce que l’on a parfois tendance à oublier. Une innovation est souvent assimilée à une invention qui a trouvé son marché, ce qui n’est pas le cas de toutes les inventions. Si l’étude des brevets permet par approximation d’estimer la capacité de « création technique » d’une entreprise, en tirer des conclusions sur la capacité d’innovation peut être hasardeux.
À l’examen des différentes tentatives pour introduire de la qualité dans la quantité il apparaît que la prise en compte de la famille de brevets est souvent utilisée. Cette famille est rappelons-le, constituée d’une demande de brevet de base - la première que l’on dépose pour valoriser/protéger une invention - et des demandes consécutives, parfois dénommées « extensions internationales », basées sur cette première demande, et visant à valoriser la même invention dans d’autres territoires.
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