Le numérique a bouleversé les modèles traditionnels de gestion de l’information. Longtemps cantonnés à une approche statique avec des informations stockées sur des supports inertes, les professionnels doivent désormais appréhender un flot continu et dynamique de données. Ce virage vers une « culture de flux » implique une profonde mutation des pratiques.
La nécessité de passer d’une culture de stock à une culture de flux pour les métiers de l’information n’est pas nouvelle, pourtant elle peine toujours à être pleinement embrassée - et pleinement organisée - dans la pratique professionnelle.
En 2013, déjà, Caroline Sauvajol-Rialland, dans son ouvrage « Infobésité, comprendre et maîtriser la déferlante d’informations » (Éditions Vuibert, p.136), précisait : « en situation de surcharge informationnelle, il ne s’agit surtout pas d’archiver pour archiver et de multiplier les copies inutiles, mais de passer d’une logique de stock à une logique de flux, de passer de l’individu, qui porte la connaissance née de l’information, au collectif, qui produit de l’efficacité au sein du collectif ».
Dans la culture de stock traditionnelle, l’information est considérée comme un bien rare à accumuler et à préserver précieusement. Les connaissances sont ainsi rassemblées dans des bibliothèques, des archives ou des bases de données structurées. L’enjeu du documentaliste est ici d’organiser ces stocks pour en maîtriser l’accès et une diffusion contrôlée.
À l’inverse, la culture de flux voit l’information comme une ressource surabondante, renouvelée en continu par un afflux de données fraîches. La valeur réside alors moins dans la rétention que dans la capacité à capter, filtrer et exploiter ces flux en temps réel.
L’attention se déporte des stocks vers les canaux de diffusion dynamiques comme les réseaux sociaux ou les fils d’actualités. Dans ce cas, la donnée se consomme de manière ponctuelle et n’a souvent qu’une pertinence éphémère.
Basculer de paradigme n’est pas aisé. Cela suppose d’abandonner des réflexes ancestraux de thésaurisation pour embrasser la philosophie du flux, l’instantanéité et l’impermanence. Pour collecter, trier, hiérarchiser les informations pertinentes au sein de ces torrents de données, il devient impératif de repenser en profondeur les processus et les outils professionnels.
En termes de méthodologie, cela nous ramène à la constitution d’un « second cerveau numérique », terme popularisé par Tiago Forte qui a créé la méthode CODE (capturer, organiser, distiller, exprimer), comme nous l’avions vu dans NETSOURCES, n° 165, août 2023, consacré à cette problématique. Sans supprimer le stockage, ce dernier ne constitue plus qu’une première étape, sur un chemin de la connaissance qui en comporte trois autres.
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