Le Knowledge Management (KM) est encore une notion abstraite. Il est fréquent de constater une difficulté à se représenter ce qu’il recouvre au juste. Cet article se propose d'en éclairer le sens et les réalisations.
Une diversité de représentations et d’expressions
Quelle est sa plus-value ? Ceux qui le pratiquent savent qu’à la longue une gouvernance des connaissances vertueuse octroie un gain de temps, de qualité et de confiance dans les connaissances mobilisées (on obtient plus vite une réponse plus fiable). L’objectif poursuivi est souvent l’excellence opérationnelle (dans les entreprises industrielles notamment), ou l’excellence tout court (dans des structures plus proches du service public et de l’intérêt général). La quête d’une plus grande performance (à condition de renoncer à ce qu’elle soit immédiate), la réduction des erreurs, le maintien d’un haut niveau d’expertise, l’innovation sont souvent visés par les organisations qui mettent en œuvre une démarche KM. Elles savent en outre que l’existence d’un dispositif de ce type favorise la préservation des connaissances, valorise les savoirs et savoir-faire des collaborateurs les plus expérimentés et constitue un facteur d’attractivité (et de rétention) pour les collaborateurs les plus jeunes.
Les initiatives qui relèvent du Knowledge management sont par ailleurs innombrables. C’est cet état de fait (le flou ou la diversité des perceptions comme celle des actions) qui nous a donné envie d’interroger les représentations et expressions du KM auprès d’un panel de professionnels curieux ou adeptes du management des connaissances (1).
Il ressort de ces échanges quelques lignes de force : le temps incompressible de mise en œuvre et de déploiement d’une démarche KM, l’importance accordée à son incarnation, la démocratisation de l’accès à la connaissance, les accointances du KM avec d’autres fonctions de l’organisation et d’autres notions comme l’organisation apprenante (2), et par ailleurs une variété de manifestations qui confirment la réalité protéiforme du knowledge management.
Un amorçage qui s’étire dans le temps
Les débuts sont souvent laborieux : une démarche de KM se met en place lentement, ne répond pas forcément aux attentes de tous, ne donne pas immédiatement des résultats probants, se développe par apprentissage progressif. Pour peu que la norme ISO 30401 soit convoquée, avec ses outils, processus et procédures, le dispositif annoncé peut parfois freiner les élans - à l’instar des réactions communément constatées face aux normes ISO de systèmes de management. Si la norme a le mérite de proposer un cadre de référence pour la mise en œuvre d’un système de management des connaissances, certains estiment qu’elle est de toute façon en retard sur les pratiques. D’autres jugent qu’elle s’adresse surtout aux experts et s’avère facilitatrice d’un point de vue essentiellement conceptuel et méthodologique. Cela dit, un responsable des connaissances peut aussi avoir la casquette de coordinateur de la cellule qualité (3)… Pas de profil type chez les « sympathisants » ou les acteurs patentés du KM : les professionnels interrogés à l’occasion de l’écriture de cet article, dont les organisations relèvent d’une variété de secteurs d’activité (conseil, ingénierie, télécommunications, nucléaire, grande distribution…) affichent un large spectre de fonctions : concepteur d’ontologies, responsable du Learning development, Knowledge manager, consultant, professionnel de l’information, directeur de l’université interne (en charge du KM & Learning)…
Des contextes d’activité plus propices que d’autres à une mise en œuvre précoce du KM
Dans l’ingénierie et les disciplines techniques, le KM a souvent été pratiqué avant l’heure. Dans cette société de conseil et d’ingénierie, c’est un ingénieur qui a créé le centre de ressources au départ, dans la perspective notamment de former les plus jeunes. Les initiatives d’échange et de transmission fourmillent, même si elles ne rencontrent pas toutes le même succès. La « conférence de 14 h » (présentation d’un projet par un ingénieur) a eu son heure de gloire en présentiel et rallie encore des adeptes en visioconférence. Des communautés de pratique (CoP) sont vivaces, d’autres moins. Des « tentatives de wiki » ont vu le jour, mais leur alimentation, compliquée, n’avance plus faute de personne motrice… Les fiches de REX restent d’actualité et font l’objet d’un partage en interne, de même que les publications dans des revues techniques et la participation aux congrès. La multitude d’associations professionnelles qui gravitent autour des expertises techniques de la société (béton, génie parasismique, etc.) incite à un partage des connaissances en externe. La participation à l’édition de certaines normes est aussi une occasion de collaboration avec des pairs extérieurs au groupe.