L’arrangement de Strasbourg, cela vous dit quelque chose ? On pourrait imaginer un quizz du type : c’est (1) le traité par lequel Louis XIV a réuni Strasbourg à la France le 30 septembre 1681 (2) un projet d’urbanisme de Catherine Trautmann lorsqu’elle était maire de Strasbourg (3) le texte qui a établi la classification internationale des brevets en 1971. Évidemment c’est la troisième réponse qui est la bonne. À l’heure où l’environnement médiatique est saturé par l’IA, nous allons, sans trop rentrer dans des détails théoriques, montrer par un simple exemple que cet outil de recherche conserve son intérêt, et qu’il reste même pour l’instant plus complémentaire qu’antagoniste avec les techniques basées sur l’IA. Le titre de cet article était donc seulement provocateur.
Un bref rappel
La Classification Internationale des Brevets (abrégé CIB) ou, en anglais, International Patent Classification (IPC) a été mise en place pour répondre au défi de rechercher des documents au sein d’une masse croissante de brevets, dans un contexte caractérisé par le multilinguisme, et une syntaxe, qui outre les problématiques habituelles de synonymie, peut être très déconcertante : en « langue brevet », un ballon peut être un « dispositif sphérique de loisir », et une bouteille un « contenant pour liquide ». Chercher par des mots-clés se heurte donc vite à certaines limites.
On notera que la CIB est arrivée à peu près en même temps que les premières bases de données en ligne (Questel a été lancé en 1978), ce qui bien entendu en a grandement optimisé l’utilisation.
Le principe derrière la CIB est simple : faire appliquer par la totalité des offices de brevet du monde entier la même classification, dont chaque entrée correspond à un domaine ou à un sous-domaine technique ; l’une des premières tâches d’un examinateur brevet est donc de lire la demande qu’il est chargé d’examiner, et d’attribuer les entrées de la CIB correspondant au contenu technique de ladite demande.
Une entrée CIB, c’est par exemple A61F13/02. A c’est la section (nécessités courantes de la vie) ; A61 c’est la classe (sciences médicales ou vétérinaires) ; A61F, c’est la sous-classe (Filtres implantables dans les vaisseaux sanguins ; prothèses…) ; A61F13 c’est le groupe (Bandages ou pansements ; Garnitures absorbantes) ; et A61F13/02 c’est le sous-groupe (Bandages ou pansements adhésifs). La structure de la CIB est donc hiérarchique. En tout, il existe 70 000 entrées.
Une grande famille
La CIB a eu une descendance : la CPC, qui est une sorte de « CIB+ », avec plus de 260 000 entrées ; la classification japonaise FI ; la classification de l’office allemand des brevets. Et dans la famille, il y a des cousins lointains, qui contrairement aux 3 classifications précitées n’ont pas la même structure : la classification japonaise FT, ou la classification Derwent. Avantage de la CIB : elle est appliquée par tous les offices, ce qui n’est pas le cas des autres, qui présentent toutefois certains atouts, par exemple une plus grande précision, ce qui est le cas de la CPC.
Un exemple pratique
Notre sujet de recherche est le suivant : « dispositif permettant de maintenir une béquille droite lorsqu’elle n’est pas en cours d’utilisation ». Par béquille, on entend « béquille destinée à faciliter le déplacement de personnes à mobilité réduite ».
Étape 1 : définir les caractéristiques essentielles de notre recherche.
Nous en avons deux : ce que l’on veut maintenir droit : la béquille ; et le fait de maintenir droit.
Étape 2 : pour chacune de ces caractéristiques, déterminer une liste de mots-clés.
Pour la caractéristique 1 : crutch, stick, bequille, Krücke
Pour la caractéristique 2 : upright, stabilize, aufrecht, vertical, stabiliser, stabilisieren
L’important est de disposer de mots-clés en anglais ; comme dans la suite nous allons utiliser Espacenet, nous avons ajouté des mots en allemand et en français. On note le mot « stick » (bâton, ou canne en anglais) ; car ce qui peut maintenir droit une béquille, peut aussi s’appliquer à un bâton de marche. D’aucuns suggéreraient aussi « parapluie ».
Étape 3 : générer une requête booléenne. Dans notre exemple, nous devons rechercher les documents comportant la notion de béquille ET la notion de « maintenir droit ». Je vais donc créer:
Crutch OR stick OR bequille OR Krücke
et un second jeu de mots couvrant le second élément :
Upright OR stabilize OR aufrecht OR vertical OR stabiliser OR stabilisieren
Les mots dans chacun des deux groupes sont combinés par un opérateur OR, puisqu’ils couvrent le même concept. Nous avons utilisé cet opérateur pour montrer la logique de notre démarche, mais nous verrons dans la suite qu’avec Espacenet, l’utilisation de cet opérateur n’est pas nécessaire.