Lorsqu’on cherche des informations d’ordre politique, économique, ou sociétal il y a des sources qui paraissent évidentes comme les nombreux types de presse, les sites institutionnels, les sites d’analystes qui sont facilement accessibles et identifiables via les outils traditionnels comme les moteurs de recherche ou les bases de données professionnelles.
D’autres, en revanche, sont beaucoup moins visibles et on risque fort de passer à côté de leurs ressources si l’on ne recherche pas spécifiquement dans leur direction. C’est notamment le cas des think tanks et de leurs publications qui sont le fruit d’un travail de recherche et qui pointent également vers de nombreuses références comme des articles de presse, des rapports, etc.
Il ne faut pas oublier que les think tanks sont des groupes de réflexion qui, par là-même, cherchent à propager leurs opinions au sein de la société, parfois en sous-main des projets politiques. Les informations fournies seront donc à prendre après une analyse de leur origine et positionnement.
Les publications des think tanks entrent dans la catégorie de la littérature grise, une catégorie d’information précieuse pour les professionnels de l’information mais peu visible (voir l’article "Les trésors cachés de la littérature grise" - Bases n°326 - Mai 2015).
Rappelons à cet égard la définition de Joachim Schöpfel :
« La littérature grise, terme générique, désigne les documents produits par l’administration, l’industrie, l’enseignement supérieur et la recherche, les services, les ONG, les associations, etc., qui n’entrent pas dans les circuits habituels d’édition et de distribution. Il s’agit surtout de rapports, travaux non publiés (working papers), thèses, conférences, présentations, mémoires, etc. Imprimés ou en format numérique, ces documents sont souvent difficiles à identifier et à acquérir ».1
Intéressons-nous maintenant plus spécifiquement aux think tanks.
Un think tank - laboratoire d’idées en français- se définit comme un « cercle de réflexion émanant généralement d’institutions privées, et apte à soumettre des propositions aux pouvoirs publics. » (source : Larousse).
On estime qu’il existe plus de 6 800 think tanks dans le monde (plus de 1 800 aux Etats-Unis, plus de 1 700 en Europe dont 180 en France en 2015 et plus de 400 en Chine) dont une grande partie a été créée entre 1960 et les années 2000.
La progression de leur nombre a fortement ralenti au cours des dernières années aux Etats-Unis mais s’est accélérée en France. En France, Terra Nova est l’un de ceux qui a la plus forte visibilité médiatique. D’autres comme l’OFCE, l’IDDR, le CERI, l’Institut Montaigne, la Fondation Jean Jaurès, l’Ifrap ou encore l’Ifri font régulièrement partie des différents classements consacrés aux think tanks.
Les think tanks peuvent être divisés en plusieurs catégories, notamment liées à leurs affiliations ou non avec des Etats, partis politiques ou groupes d’intérêt. Le 2015 Global Go To Think Tank Index Report les classe de la manière suivante :
Ce système d’affiliation est intéressant et doit rester à l’esprit lorsque l’on consulte et analyse les publications des think tanks afin d’évaluer l’objectivité du contenu proposé.
Venons en maintenant à ce que proposent les think tanks. Il en existe dans de multiples domaines mais voici néanmoins les secteurs dans lesquels ils sont les plus présents :
Chaque think tank propose un site Internet avec des ressources en libre accès la plupart du temps. Dans la très grande majorité des cas, le site dispose d’une interface en langue anglaise et la majorité des publications sont rédigées dans cette même langue.
On peut y trouver
Nous avons cherché à savoir si les ressources et notamment les publications proposées étaient facilement repérables lors d’une recherche sur le Web.
Nous avons ainsi consulté les sites d’une dizaine de think tanks (aussi bien d’importants think tanks occidentaux très connus que de structures plus petites basées dans des pays moins développés) et sélectionné plusieurs rapports sur leurs sites. Nous avons alors lancé plusieurs requêtes Google tournant autour du sujet du rapport afin de voir si les dits rapports apparaissaient bien dans la liste de résultats de Google.
On constate que globalement, les publications des think tanks occidentaux sont bien référencées sur les moteurs traditionnels et, si l’on effectue une recherche sur un sujet précis traité par un think tank, il y a de fortes chances de tomber dessus d’une manière ou d’une autre. En revanche, les publications des think tanks de plus petite taille basées dans les pays moins développés sont beaucoup moins bien référencées et il est très facile de passer à côté de ces ressources lors d’une recherche.
D’autre part, quand la veille ou la recherche couvre un spectre assez large, il est également facile de passer à côté de résultats provenant de think tanks car noyés au milieu des autres résultats.
On pourrait également penser que les travaux des think tanks, qui peuvent recouvrir une forme quelque peu académique, pourraient être référencés dans des moteurs de recherche académique comme Google Scholar ou le moteur de recherche en SHS Isidore par exemple. Les quelques tests que nous avons effectués montrent qu’il n’en est rien.
Enfin, on constate que certaines bases de données indexent les travaux de certains think tanks. C’est par exemple le cas d’EBSCO qui propose depuis 2014 les publications de l’« Emirates Center for Strategic Studies and Research » dans sa plateforme d’ebooks. Mais ces initiatives restent rares et on est donc très loin de l’exhaustivité.
Ainsi, lorsqu’un sujet est susceptible d’être abordé par un think tank, on ne pourra que conseiller de chercher à identifier les think tanks dans ce domaine et d’explorer leurs différentes publications.
A priori, la question semble simple : il suffirait de croiser dans Google le terme think tank ou laboratoire d’idées avec le sujet qui nous intéresse.
Mais en y regardant de plus près, on constate que bon nombre de think tank ne portent pas cette appellation et il n’en est fait mention absolument nulle part dans leur site Web ou dans leurs publications.
Il faudra alors penser à rechercher les termes suivants souvent utilisés dans le nom du think tank :
Les publications du think tank The Kenya Institute for Public Policy Research and Analysis
Comme nous l’avions mentionné précédemment, il existe un rapport annuel intitulé « Global Go To Think Tank » publié par l’université de Pennsylvanie qui propose un classement des think tanks au niveau mondial.
Différents classements sont proposés :
Le rapport le plus récent est accessible à cette adresse au format pdf : http://repository.upenn.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1009&context=think_tanks
En entrant des requêtes combinant les termes liés aux think tanks
avec les termes ranking(s)
, directory
ou observatory
, on peut identifier d’autres ressources intéressantes comme « The 50 Most Influential Think Tanks in the United States » ou encore ThinkThankMap, un observatoire qui recense et analyse les think tanks spécialisés sur le climat, etc.
On identifie également des annuaires comme
Plusieurs universités américaines ont eu la bonne idée de créer des moteurs de recherche spécialisés sur les rapports des think tanks à partir de la solution Google Custom Search Engine. Rappelons que ce service gratuit proposé par Google permet à quiconque de créer son propre moteur de recherche spécialisé en ajoutant uniquement les sites/sources de son choix. La recherche portera donc alors uniquement sur les pages de ces sources indexées par Google, ce qui n’est donc pas nécessairement exhaustif.
On citera donc le moteur de la Harvard Kennedy School qui recense les publications de près de 600 think tanks : http://guides.library.harvard.edu/c.php?g=310680&p=2072552
Le moteur Find Policy http://www.findpolicy.org permet également d’effectuer une recherche sur les publications des think tanks. Le moteur est ici divisé par thématique (Climat, Développement, Economie, Santé) et indexe pour chaque catégorie les 10/20 think tanks les plus importants.
On citera enfin la base de donnée Columbia International Affairs Online (CIAO), réalisée par l’Université de Colombia et centrée sur les affaires internationales qui donne entre autres accès à la recherche de plus de 160 think tanks au niveau mondial. La base est sur abonnement uniquement.
Une autre solution pour identifier des think tanks en lien avec un sujet peut consister à tirer parti de la presse en interrogeant des agrégateurs de presse comme Factiva ou LexisNexis à l’international ou Pressedd pour la France. Google Actualités pourra également être une option en ayant bien conscience qu’il ne s’agit que de contenu en libre accès.
Il n’est en effet par rare que la presse mentionne la publication d’un rapport de think tank ou que certains membres du think tank prennent la parole dans la presse. Cela permettra ainsi d’identifier des think tanks spécialisés sur la thématique qui nous intéresse pour ensuite aller explorer leurs publications sur leurs sites Web.
Au final, les publications des think tanks peuvent représenter des sources tout à fait intéressantes pour un grand nombre de sujets. D’ailleurs, les rapports proposés par les différents think tanks peuvent être très utiles quand on traite des sujets liés aux pays en développement et mal couverts par les bases de données traditionnelles.
Néanmoins, il est assez facile de passer à côté de ces ressources. Il faudra alors bien penser à rechercher dans leur direction en utilisant les différentes méthodologies proposées dans cet article : recherche dans les moteurs traditionnels, utilisation d’annuaires, observatoires et classements, interrogation de moteurs de recherche spécialisés.
Dans un prochain numéro de Netsources, nous aurons également l’occasion de nous pencher sur les ressources proposées par les ONG, qui par certains côtés, ont des points communs avec celles proposées par les think tanks et qui entrent toutes dans la catégorie de la littérature grise.