Après les moteurs de recherche et les médias sociaux, l’IA générative redistribue de nouveau les cartes pour les médias d’information. Avec des impacts considérables sur la production, la diffusion et la monétisation du contenu. Comment les médias s’adaptent-ils et comment cela affecte-t-il l’activité de veille ? Petit tour des initiatives en cours.
Dans ses recherches, au cours de ses analyses ou de la réalisation de ses livrables, le professionnel de la veille est de plus en plus exposé, de façon plus ou moins subtile, à l’information en provenance des IA génératives.
Au départ, les réponses créées par les chatbots d’IA générative comme ChatGPT, Bard et quelques autres, lui ont offert un autre mode d’accès à l’information : un accès direct aux réponses, sans cliquer sur les sources. Et cet usage devrait perdurer si l’on en croit la prochaine version de Google, SGE, qui valorise les réponses générées par IA au détriment des résultats de recherche présentés sous forme de liens.
Mais le contenu généré par IA commence aussi à concurrencer les médias sous une autre forme : des sites entièrement créés par IA s’invitent en effet dans les résultats des moteurs de recherche. Leur contenu, écrit pour correspondre aux règles actuelles de SEO, serait même mieux référencé que celui des médias. Récemment, le service américain de notation de l’actualité NewsGuard a identifié près de 600 sites Web (ils étaient 49 en mai dernier) qui fonctionnent avec peu ou pas d’intervention humaine. Et un site généré par l’IA produit jusqu’à 1200 articles par jour, contre 100 pour Le Monde ou 250 pour le New York Times ! Certains sont même financés par la publicité.
Les médias ont donc raison de craindre une baisse de leur propre trafic, qui provient à plus de 90 % de Google. Pour la veille, cela signifie davantage de difficultés à trouver certains contenus en provenance de médias pertinents, soudainement noyés dans des pseudos sites d’actualités générés par l’IA, mais difficiles à identifier, car ils reprennent les codes graphiques des sites d’actualités. Ce qui nécessite donc davantage de rigueur encore en phase de sourcing.
Dans la plupart des entreprises, la veille brevet est souvent négligée. La veille brevet peut pourtant être une source d’informations précieuse pour l’intelligence concurrentielle. Elle permet de suivre l’évolution des technologies, d’identifier les concurrents, et d’exploiter toutes les opportunités de marché en développant une vraie stratégie. Entretien avec Philippe Borne, Délégué Régional de l’INPI pour la Région Grand Est (1), et également rédacteur occasionnel pour notre lettre BASES à titre d’expert.
François Libmann : La veille brevet a un potentiel qui nous semble sous-évalué dans le domaine de l’intelligence concurrentielle. Comment l’interprétez vous ?
Philippe Borne : Beaucoup d’entreprises ont une vision très juridique du brevet, considéré uniquement comme un outil de protection, et donc avec des stratégies brevet très traditionnelles. Et du fait de cette vision, on retrouve la même attitude en ce qui concerne la veille brevet. Cette vision très juridique du brevet en France a pour conséquence qu’il n’est pas tenu compte de son potentiel en tant que source d’informations pour l’intelligence concurrentielle. Cela ne vient, en effet, pas à l’esprit qu’on puisse faire de la veille technologique sur ce type d’information.
(1) Philippe Borne s’exprime ici à titre personnel et les opinions qu’il expose n’engagent que lui-même.
Une veille peut s’effectuer sur un très grand nombre de sources telles que les publications dans différents types de presse (généraliste, scientifique…), le web et, en particulier Google ou des sites spécialisés, les réseaux sociaux, les visites de foires et salons, les conférences…
Dans un très grand nombre de cas, particulièrement pour la veille technologique et concurrentielle, il ne faut surtout pas négliger les différentes dimensions de la propriété industrielle : brevets, marques ainsi que dessins et modèles.
Tout d’abord, précisons le vocabulaire, car il y a un fort risque de confusion.
On rappellera en premier lieu qu’un brevet est une sorte de contrat entre l’État en général et un inventeur. En échange de l’exclusivité de l’usage d’une technologie sur une durée pouvant, en général, aller jusqu’à 20 ans, la description de cette technologie est rendue publiquement accessible, après une période de 18 mois, et constitue une information scientifique/technique.
Le titulaire du brevet peut exploiter lui-même sa technologie ou décider s’il autorise un/des tiers à l’exploiter et, dans ce cas, sous quelles conditions (vente du brevet, concession d’une licence).
On oublie trop souvent que les brevets ont un intérêt pour la veille concurrentielle. Et pourtant, en savoir un peu plus sur la politique brevet d’une entreprise est souvent très utile : par exemple, S’il s’agit de l’un de vos concurrents, cela peut être intéressant de connaître les techniques sur lesquelles il dispose d’une capacité d’interdiction, Si c’est un potentiel partenaire, cela peut être très pertinent avant de signer un accord de collaboration de connaître son niveau de sensibilité à la propriété industrielle. Et s’il s’agit d’un des fournisseurs auprès duquel vous vous approvisionnez en composants indispensables, s’il dispose de brevets sur ces composants, cela peut vouloir dire que vous ne pourrez vous fournir ailleurs. Et cette liste est loin d’être exhaustive.
Alors comment collecter des informations sur la politique brevet d’un concurrent, d’un partenaire, d’un fournisseur…. sans se ruiner ? Et comment entrer et comprendre les bases du monde des brevets, qui peut paraître inaccessible aux non-initiés ?
Toutes les données brevet sont publiques, accessibles dans des bases de données dont beaucoup sont en accès libre, comme Espacenet ou Patentscope. Dans cet article, nous allons vous montrer comment les retrouver.
Pour cela nous partirons d’un exemple concret en nous intéressant à la politique brevet de Volocopter, une startup allemande conceptrice d’un taxi volant à propulsion électrique qu’elle ambitionne de faire voler à l’occasion des Jeux olympiques de Paris, à l’été 2024.
Comme nous avons pu le voir dans l’article « Comment enrichir sa veille concurrentielle avec les brevets ? » de ce même numéro, l’information brevet a un rôle à jouer dans tous les types de veille mais l’inverse est aussi vrai. L’information non-brevet, comme l’information business, financière, presse, etc. a aussi un rôle à jouer pour enrichir et améliorer la veille brevet.
C’est ce que nous avons choisi d’explorer dans cet article en partant d’un exemple concret : analyser la politique brevet de Quobly, une start-up française dans le secteur de la recherche quantique qui a récemment fait parler d’elle avec l’entrée de BPI France dans son capital. Nous avons choisi de mener l’enquête uniquement avec des données en libre accès.
NB : Suivant de loin le sujet du quantique, nous savons que les acteurs américains et chinois du domaine y ont une politique brevet très active. Un rapport de Michel Kurek publié en 2020 a établi que sur la période 2010 - 2020 les acteurs chinois sont à l’origine de 5164 familles de brevets, les acteurs américains de 1990 familles, et les acteurs français d’un modeste chiffre de 126 familles.
Quoi de mieux pour analyser une politique brevet que de commencer par une recherche dans les brevets. Nous avons utilisé ici l’outil Espacenet (pour savoir comment rechercher sur Espacenet, nous vous invitons à lire l’article « Comment enrichir sa veille concurrentielle avec les brevets ? » dans ce même numéro).
La question de la surcharge informationnelle, créée par l’explosion de la sphère numérique, se pose de façon toujours plus aiguë pour les métiers de l’information.
Cette réalité est clairement mise en évidence dans le premier article de ce nouveau numéro de NETSOURCES, témoignage des défis auxquels sont confrontés veilleurs et documentalistes dans leur veille métier face à la vague IA (« IA et veille métier : les veilleurs dans l’expectative »).
Comment gérer les vagues d’informations potentiellement pertinentes pour nos métiers qui affluent à travers les multiples canaux numériques, newsletters, blogs, sites et apps de presse, réseaux sociaux pour ne citer qu'eux ?
Comment absorber - sans s’y noyer - ces flux qui deviennent peu à peu des éléments structurants de notre système d’information personnel ? Et surtout, comment les professionnels de l’information peuvent-ils les utiliser pour en faire une véritable force au service de leur veille métier, et par là même de leur métier ?
« Ça va trop vite, c’est difficile de trouver les bonnes sources, il y a trop d’outils et il y a trop d’aspects à maîtriser ». C’est avec ces mots que Franck Guigard, conseiller Performance et Management de l’information au sein de la CCI de la Drôme, résume la vague IA qui a déferlé sur sa veille métier.
Avec l’IA, ce sont non seulement des milliers de nouveaux outils à évaluer, trier, tester… mais c’est aussi toute une méthodologie à revoir :
● Faut-il ajouter des sources spécifiques à sa veille métier ?
● Quels sont les nouveaux mots-clés à surveiller ?
● Comment optimiser son temps de lecture ? Avec un résumé ? Sous quel format ?
● Peut-on la partager de façon plus attractive ? Dans une autre langue ? Sous quel format ?
Même si la veille métier est caractérisée par son objectif prospectif, il n’en demeure pas moins que la « vague IA » a pris de court la majorité des professionnels de l’information. Six mois après l’arrivée de ChatGPT dans le monde de l’information, comment les veilleurs surfent-ils sur la vague ?
Pour le savoir, nous avons interrogé plusieurs professionnels qui ont accepté de partager le fruit de leur réflexion.
Le professionnel de l’information se retrouve très touché par le développement exponentiel de l’IA et l’arrivée de ChatGPT au début de l’année 2023, notamment en termes de compétences à développer et en connaissances à acquérir.
Se former et s’informer sur l’IA n’a rien de facile tant il y a un déluge d’informations autour du thème de l’IA, tant l’environnement évolue et change très vite et tant il y a de nouveaux outils qui apparaissent chaque semaine.
Face à ce contexte inédit, le veilleur a 2 possibilités :
Dans cet article, nous vous proposons les sources que nous jugeons les plus utiles pour suivre les dernières grandes actualités de l’IA, réfléchir à son intégration aux pratiques de veille et de recherche et découvrir de nouveaux outils permettant de gagner en efficacité.
Dans le monde professionnel, chacun développe en continu les compétences utiles à l’exercice de son métier pour rester à la pointe et devenir d’une certaine façon « la meilleure version professionnelle de soi-même ».
L’une des manières d’y parvenir consiste à faire de la veille métier, c’est-à-dire à analyser les dernières tendances et dernières innovations techniques, s’approprier de nouvelles méthodologies et astuces ou encore être en phase avec les dernières évolutions du marché, ce qui dans le contexte actuel n’est pas une mince affaire.
Difficile en effet de trouver le temps de faire de la veille métier en plus de toutes ses tâches quotidiennes. D’autant que dans un contexte d’explosion numérique, la veille métier englobe de plus en plus de thématiques et génère de plus en plus d’informations à traiter et assimiler.
Et cela ne s’arrête pas là, car on ne fait pas de la veille pour la simple beauté de la veille : l’étape suivante consiste à capitaliser sur ces informations pour les transformer en connaissances, se créer un système de gestion de connaissances personnelles et utiliser tout cela de manière concrète.
On entre alors dans le champ du PKM (Personal Knowledge Management), une discipline qui existe depuis les années 90, mais qui bénéficie aujourd’hui de beaucoup plus de visibilité et qui se démocratise notamment suite à la sortie de l’ouvrage de Tiago Forte « Construire un second cerveau : une méthode complète pour organiser votre vie numérique et libérer votre potentiel créatif », un best-seller paru en 2022 (2023 pour la version française) et vendu à plus de 100 000 exemplaires à travers le monde.
Dans cet article, nous vous expliquons comment les professionnels de l’information peuvent mettre en place ou améliorer leur système de gestion de connaissances personnelles en tirant parti des enseignements de l’ouvrage « Construire un second cerveau » de Tiago Forte.
Comment créer un système de gestion des connaissances personnelles simple, efficace, flexible et pas trop chronophage capable de s’intégrer dans ses activités quotidiennes ?
La veille métier veille/infodoc et la gestion des connaissances qui s’en suit fait partie de mes pratiques depuis de nombreuses années. Cela me permet notamment de rester à jour, m’aide à développer mes compétences métier et me sert aussi à trouver des idées de sujets pour Bases et Netsources, bénéficier d’une base de matière brute pour rédiger des articles, préparer des formations ou des conférences et plus largement nourrir ma réflexion.
Ce système de veille/PKM (Personal Knowledge Management) a évolué avec les années aussi bien au niveau des contenus que des outils et technologies utilisés. Et si depuis quelques années, j’avais un système qui répondait bien à mes besoins et attentes, j’ai pu constater au cours des derniers mois qu’il arrivait un peu à bout de souffle et qu’il était temps de le faire évoluer. En cause : certains outils qui se dégradent, un volume d’informations toujours plus important à prendre en compte sans pour autant avoir plus de temps à y consacrer et des briques intermédiaires de ma réflexion qui continuent à se perdre ou qui prennent trop de temps à être retrouvées.
J’ai donc décidé de tester les méthodes préconisées par Tiago Forte dans son ouvrage « Construire un second cerveau » et par Sönke Ahrens dans « Comment prendre des notes intelligentes ». Retour sur mon expérience et sur les bénéfices apportés.